Bêtes de scène
Du 02 juillet 2006 au 05 novembre 2006
Des ballets de cour du XVIe siècle aux Fables de La Fontaine mises en scène par Robert Wilson à la Comédie-Française la saison dernière, les animaux disputent aux humains les plateaux des théâtres. Le spectacle est le lieu privilégié des enchantements, la scène est déjà un lieu magique. On ne s’étonnera donc pas que les animaux y parlent, dansent et chantent, convention théâtrale oblige.
Pour faire la bête, il faut en avoir la peau. Au gré des maquettes et des tenues de scène présentées ici, les costumes les plus précis, où ne manquent ni une plume ni un poil, voisinent avec ceux où règne l’évocation la plus astucieuse, la plus décalée, la plus fantaisiste.
La représentation d’un animal, quel qu’il soit, sur un plateau de théâtre en fait un animal fantastique, même s’il s’agit des espèces les plus domestiques comme le chien ou le chat. Le seul fait qu’un humain les incarne les transforme en une zoologie de fantaisie, parfois émouvante, parfois inquiétante.
Aux XVIe et XVIIe siècles, les premiers ballets de cour présentent créatures fantastiques et burlesques, des animaux y apparaissent souvent. Dès sa création par Louis XIV, l’Opéra mêle le merveilleux et l’enchantement à la mythologie. Au siècle suivant, la fantaisie éclate sur les petites scènes des Théâtres de la Foire, à la Comédie Italienne, à l’Opéra-Comique… L’imagination la plus débridée est autorisée, loin du formalisme qui fige alors l’Académie Royale de Musique.
Les livrets s’inspirent des contes, empruntant très largement à Charles Perrault. Certains sujets donnent lieu à variations et broderies, comme ceux de la Belle et la Bête, de Cendrillon, du Chat botté… qu’ on retrouve sous diverses formes théâtrales, souvent mis au goût du jour… Le phénomène atteint son paroxysme avec les salles du Boulevard du Temple, la Gaîté, l’Ambigu, la Porte Saint-Martin…Des équipes de spécialistes se forment pour monter de grands spectacles à effet, utilisant tous les trucages connus, en inventant bien d’autres, apparition de royaumes féeriques, métamorphoses, changements de costumes à vue… qui enchantent le public. Les fées envahissent les scènes, les animaux sont des sujets ordinaires de leur royaume. Ils seront mis à toutes les sauces, mélodrame, ballet, opéra-comique, théâtre dramatique, revue… Lorsqu’elles se retireront, chassées par le réalisme, leurs suites de papillons et d’ondines les suivront.
Le XIXe siècle encense le progrès, voit le développement des villes et l’industrialisation. Le désenchantement du monde moderne semble incompatible avec cette poésie de l’irréel. Mais les animaux vont résister au théâtre réaliste et social, car survit en eux l’esprit du rêve. Ils deviendront même les symboles de la résistance à la banalité du quotidien. Les nombreuses relectures d’oeuvres comme « Les Oiseaux » d’Aristophane, « L’Enfant et les sortilèges » de Ravel, « Chantecler » d’Edmond Rostand, l’adaptation du monde fantastique de Grandville, avec « Les Peines de coeur d’une chatte anglaise » ou encore « Cats », la présence continue au répertoire des grands ballets classiques, « Le Lac des cygnes », « La Belle au bois dormant », « Le Chat botté »… attestent de l’intérêt des metteurs en scène, des chorégraphes et des costumiers pour ce type de sujet qui séduit toujours un public pourtant maintenant rompu aux effets cinématographiques.
Les institutions culturelles de Moulins, la Bibliothèque Municipale, le Musée Anne de Beaujeu, le Centre de l’Illustration contemporaine figurent par leurs prêts et leur aide parmi les partenaires privilégiés du CNCS. L’exposition, présentée à Moulins du 2 juillet au 5 novembre 2006, sera reprise en partie au Musée de la Danse de Stockholm pendant l’hiver. Ce Musée, seul musée européen consacré à la Danse, est un des principaux partenaires de l’exposition d’ouverture du CNCS.